~~Peter Bruegel a réalisé une suite de 7 dessins préparatoires à la plume et encre brune, qui ont été gravés au burin par Pierre van den Heyden et édités par Jérôme Cock en 1558. Les personnages et les monstres relèvent du vocabulaire de Bosch, les paysages répondent aux normes bruegeliennes, à dominante fantastique.
J’ai souhaité exécuter ces 7 péchés capitaux en peinture à l’huile à la manière de Bruegel.
L'ORGUEIL
~~L’orgueil se mire dans une glace, flanqué d’un paon qui fait la roue. D’autres miroirs réfléchissent, l’un les fesses d’un monstre, l’autre tenu par une nonne-sirène, le visage d’un monstre à queue de paon. La boutique du barbier fait sans doute allusion aux soins que l’on peut accorder à l’apparence physique et porterait aujourd’hui le nom de salon de beauté. Les constructions boschiennes de l’arrière plan évoquent sans nul doute le luxe, le faste, les châteaux en Espagne. Et dans le fond à gauche, à côté d’un hérisson coiffé d’une ruche - image de l’Eglise – un personnage tombe du ciel (Icare ?).
L'AVARICE
~~L’avarice est une femme puisant de l’or d’un coffre pour l’accumuler dans son giron. Devant elle son attribut, un crapaud, peut aussi être associé à la luxure. Derrière la femme, se dresse la demeure délabrée d’un prêteur sur gages, avec pour enseigne une paire de ciseaux servant à tondre les moutons qui, en une image éloquente, a saisi un homme nu entre ses deux lames. A droite, une demeure en forme de tirelire est prise d’assaut par une foule. Derrière la cabane de l’usurier, des hommes tirent à l’arbalète sur une bourse dont s’échappent des pièces, sans se rendre compte qu’ils sont eux-mêmes délestés.
LA COLERE
~~La colère est incarnée par une femme en armure , tenant une épée et une torche, précédée par un ours agressif, attribut du personnage. Ici tout n’est que violence, cris, horreurs. On grille un être humain, on met à bouillir un couple dans une marmite, le feu fait des ravages, hommes et bêtes s’entretuent. Le couteau porté par des soldats tranche et écrase. Le grand personnage à cheval sur un tonneau préfigure la colère dans le tableau de la Dulle Griet de Bruegel.
L'ENVIE
~~L’envie, vêtue à la mode ancienne avec un hennin, ronge son cœur en désignant un dindon qui serait son attribut. La présence d’une cordonnerie à gauche et d’une femme endormie à droite, dans un panier entouré de chaussures, et coiffée de l’une d’elles, font osciller les interprétations entre le désir de « vivre sur un grand pied » et de « savoir où le bât blesse ». Il y a là matière à envie et à tourment. Dans la légende, l'Envie est définie comme une mort, une auto-destruction qui ne trouve jamais de fin, une bête qui se dévore elle-même. Une scène de funérailles traverse le pont, un homme-bateau se laisse aller au fil du courant dans un état proche de la déréliction.
LA PARESSE
~~La paresse est endormie sur le dos d'un âne, son attribut habituel. Sa tête repose sur un oreiller soutenu par un diable. A ses côtés rampent des escargots. A l’arrière plan, une limace géante, chevauchée par un personnage minuscule, avance dans l’eau sous un pont-colline. Un monstre ailé scie la colline de la paresse : un historien de l’art y a vu une association du bruit de la scie et du ronflement de la dormeuse. A gauche, un monstre à tête de cigogne en costume de moine, tire un pêcheur trop indolent pour quitter son lit. Dans une construction mi-arbre, mi-coquille, un couple paresse dans un lit derrière un rideau. Monstres et hommes nus dorment sur une table. La paresse est associée au temps perdu : à l’arrière plan, un groupe d’hommes assiste au spectacle d’une horloge géante, animée par un bras humain, d’où sortent des flammes. A gauche du tableau, un homme perché dans un rouage d’horloge tape sur une cloche avec un marteau, pour rappeler le temps qui passe. Plus bas à droite du hibou, les dés sur une table sont une allusion aux jeux de gens oisifs qui gaspillent leur temps.
LA LUXURE
~~La luxure est incarnée par une femme nue touchant son sexe. Elle est assise dans un arbre creux, lieu du vice, sur les genoux d'un monstre à tête de lézard qui l'embrasse. Posé sur le dossier du fauteuil où ils sont assis, un coq, attribut de la Luxure, les observe. Tout n’est ici que fornication, exhibition, mutilation même. Les emprunts à Bosch sont nombreux, depuis la sphère de cristal qui emprisonne et exhibe les amants en haut de l’arbre, prise elle-même dans une coquille géante, jusqu’au jardin des délices à sa manière, avec fontaine et couples enlacés, qui occupe la scène à droite. Dans un curieux cortège du plan médian, un homme, les mains liées, chevauche un étrange quadrupède précédé d’un joueur de cornemuse. Certains le qualifient d’adultère, il porte une mitre et pourrait être un évêque.
LA GOURMANDISE
~~La Gourmandise boit goulûment, assise sur un cochon qu’elle écrase de son poids. L’excès de boisson porte au dévergondage, comme le montrent deux femmes nues qui lui font face à table. Un autre personnage, soutenu par son mauvais génie, régurgite sa boisson et éclabousse un homme déjà tombé à l’eau. A droite, agenouillé, un géant, prisonnier d’une rôtissoire a la tête littéralement embrochée, asservi à l’idée fixe de la nourriture. A gauche, un moulin à face humaine est consciencieusement gavé. En contrebas, un homme porte son ventre sur une brouette. Au premier plan, un gros poisson en mange d’autres. Un bâtiment est même transformé en marmite.